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Y'A UNE ROUTE... Il y a dans le cœur de chaque homme un vide en forme de Dieu, et nul autre que Lui ne peut le combler. Pascal
8 mars 2020

LA PRIERE DE SAINT EPHREM LE SYRIEN EXPLIQUEE PAR SAINT JEAN DE SAINT-DENIS (EUGRAPH KOVALEVSKY)

« Seigneur et Maître de ma vie, éloigne de moi l'esprit d'oisiveté, de découragement, de domination et de parole facile, mais donne-moi un esprit de pureté, d'humilité, de patience et d'amour. Oui, Seigneur et Roi, donne-moi de voir mes fautes et de ne point juger mon frère, car Tu es béni dans les siècles des siècles. Amen. »

Plus on prononce cette prière de saint Ephrem le Syrien (IVe siècle), plus on la pratique, et plus on constate qu'elle est l'œuvre d'un grand maître spirituel. Certes, elle est très simple, transparente même, mais de cette simplicité qui est le résultat d'une profonde expérience spirituelle, l'aboutissement du long chemin ascétique et mystique d'un saint. C'est une simplicité rare, une clarté de perfection. Rien d'inutile et pourtant rien d'oublié, presque une formule mathématique, mais une formule qui appelle notre cœur, qui construit un pont solide entre notre âme et Dieu, entre « moi » et « mon frère. » Par l'exactitude des expressions, par le plan précis, elle peut être comparée à la Prière Dominicale et par son développement logique elle nous rappelle les Béatitudes selon Saint Luc. On pourrait la nommer : le Credo de pénitence. Elle n'est pas seulement le cri d'un pécheur, la demande spontanée d'une âme en détresse vers le Seigneur pour être guidée et instruite, elle nous guide elle-même, elle nous instruit, elle renferme et la demande et la réponse, et, pour ceux qui la pratiquent consciemment, de tout leur coeur, elle apporte la guérison et change la face de notre vie.Pour montrer la richesse spirituelle de cette prière, faisons une courte analyse des quatre phases d'extériorisation de l'âme (oisiveté, découragement, domination et parole facile), en leur opposant les quatre vertus proposées par saint Ephrem (la pureté, l'humilité, la patience et l'amour-charité). Quand nous voulons entrer dans la vie spirituelle et surtout dans la vie de prière, la première tentation qui se présente à nous est l'oisiveté, l'esprit de dispersion : les sentiments les plus divers envahissent notre cœur. Nous désirons, nous voulons, cette vie de prière, nous l'avons entreprise librement, et pourtant... notre âme, cette grande paresseuse, somnole ou s'agite inutilement devant des souvenirs, des visions, des projets, pour des idées (qu'elles soient terrestres ou célestes, qu'importe), comme si le but unique de l'existence était de nous détacher de la prière. Si nous sommes charitables, l'esprit d'oisiveté invente des œuvres de charité, si nous avons un penchant vers le plaisir, il invente des plaisirs. C'est un voleur de la prière, son apprentissage fut dans le péché originel et son maître est celui qui aime à régner sur nos âmes sans que nous sachions son existence, celui à qui le Christ livre le combat par Sa croix. « Pourquoi prier, Dieu sait ce qui vous est nécessaire...", "Vous êtes fatigués après une dure journée...", "Dieu a créé les plaisirs..." Il cite l'Evangile avec malice : "Ce n'est pas celui qui dit : Seigneur, Seigneur, qui sera sauvé, mais celui qui accomplit mes commandements." Les commandements dans la bouche du tentateur deviennent un prétexte pour empêcher, à tout prix, notre âme d'appeler notre "Seigneur et Maître." Il cache adroitement le publicain, qui, des heures durant, répète sans cesse en se frappant la poitrine : "Dieu, purifie-moi pécheur ! "L'unique chose qui puisse combattre l'oisiveté est le don de pureté. Pureté non seulement du corps et comprise comme absence de pensées vulgaires, mais pureté qui est simplicité de la pensée, tension vers un objet unique et saint. Si nous sommes tentés, dérangés par la distraction de l'esprit, la pureté est de faire abstraction de ces états d'âme en nous efforçant de viser un seul objet, de préférence un objet divin, éternel, qui soit par sa nature simple, stable, inchangeable. Si l'âme ne lutte point par le glaive de pureté contre l'oisiveté, elle tombe inévitablement dans le découragement. Voyant que le temps passe et que la prière ne lui profite pas, voyant que le progrès spirituel est inexistant, une inquiétude s'installe en elle. La contradiction entre la conscience et l'état des choses, entre les désirs premiers et le résultat réel s'accentue. Alors, le seul remède contre cette maladie spirituelle est l'esprit d'humilité, c'est-à-dire accepter tranquillement, devant Dieu, sa faiblesse. Par contre, l'esprit de révolte dans l'état de découragement est le poison le plus dangereux. Souvent l'âme, incapable de se concentrer et de lutter contre la première tentation, tombe dans le découragement et, désirant fuir cet état, cherche à s'évader en jugeant l'extérieur. Ne pouvant se dominer intérieurement, se réformer, elle veut changer la face du monde. Au lieu de localiser avec une sagesse humble le découragement et de constater ses propres faiblesses, elle tourne la tête de l'intérieur vers l'extérieur, de Dieu vers le monde, et cherche le coupable autour d'elle ; elle veut dominer les autres, les instruire. Les problèmes religieux remplacent la prière simple, réformer l'Eglise devient une nécessité car l'Eglise est responsable de son infortune. Aveugle, elle est pleine d'audace pour diriger et guider ceux sont moins aveugles qu'elle. Un goût de puissance remplace de désir de pénitence. Elle devient moraliste et impatiente avec ceux qu'elle a pris sous sa protection. Contre ces maux l'unique remède est le don de patience, être patient envers ses défaillances comme Dieu est patient envers l'homme audacieux et incapable. Remarquons-le bien, plus nous cédons à la première tentation (l'esprit d'oisiveté), plus les vertus qui s'opposent à la chute de notre âme s'éloignent de nous. Si à l'esprit d'oisiveté il est assez facile d'opposer l'esprit de pureté, de simplicité - une bonne volonté,un effort unis à la grâce de Dieu suffisent - à l'esprit de découragement il est difficile d'opposer la sagesse humble. Et l'abîme entre l'esprit de domination et l'esprit de patience est presque insurmontable. Il conviendra à la conscience du pénitent ou au maître spirituel de faire faire à l'âme le chemin inverse. Ils rendront l'âme au découragement en ridiculisant ses prétentions par des paroles dures peut-être mais justes, et, du découragement, ils la ramèneront à son premier état par la constatation que son cas n'est pas unique, qu'elle a cherché au-delà de ses capacités, ramenant par des piqûres spirituelles le goût de la pureté. Reculer est pénible. De fait, l'âme préfère quitter définitivement la vie intérieure et se lancer dans le monde afin de se débarrasser du désir de perfection. Dans cette phase, elle accepte le monde tel qu'il est. Prendre le chemin large, devenir une source de « parole facile. » Si dans l'état de « domination, » Dieu patient, Dieu simple, Dieu inchangeable, devient Dieu étranger et qu'on Lui préfère un Dieu redoutable entrant dans la vie du monde, Dieu réformateur, Dieu juge, au contraire dans l'état de « parole facile », on préfère un Dieu qui ne gêne nullement la vie, qui ne demande rien, Dieu-Amour, mais amour vague, sans réel sacrifice. Les âmes tombées dans cet état peuvent donner des publicistes brillants sur les questions religieuses ou même mystiques mais la prière et le vrai chrétien sont morts. La charité divine peut les ressusciter par miracle. Telle est la chute de l'âme. Par contre, l'échelle salutaire est : se concentrer, fixer son regard de l'extérieur vers l'intérieur, choisir des prières simples en faisant abstraction des « richesses » : esprit de pureté. Voyant les difficultés sur la route, la paresse de l'âme, la distraction, préférer être fidèle dans les petites choses plutôt que de trahir les grandes, accepter la tristesse : esprit d'humilité. Mais Dieu nous vérifie et le Malin guette : se souvenir que celui qui est fidèle jusqu'au bout sera sauvé et que la nuit deviendra intense surtout avant l'aurore : esprit de patience. Résister par la pureté, l'humilité, la patience, et alors, pendant la nuit, comme un voleur, la charité viendra, les portes s'ouvriront, l'Esprit entrera, le Maître de notre vie envahira notre âme de joie et de lumière, d'amour infini pour Dieu et pour tout ce qui respire : esprit de charité.La pénitence est accomplie, l'âme est purifiée, la grande paresseuse est devenue source de prière. Bien que les deux supplications : éloigner les esprits impurs et recevoir les esprits purs, nous emportent dans la joie et la lumière et nous inondent de l'amour du Père céleste, l'œuvre de pénitence n'est pas achevée. Saint Ephrem ajoute la troisième demande qui nous situe en face de nos frères, en face du deuxième commandement, réalisable en son authenticité seulement après avoir reconstruit notre être intérieur. Le saint, afin de souligner le rythme fit le mouvement complémentaire, reprend l'invocation du Seigneur mais cette fois il ne l'appelle plus « Maître de la vie, » il le nomme « Seigneur et Roi », deux noms bien significatifs. La vie de l'âme, son réveil du sommeil hivernal, de l'ombre de la mort, c'est le dépassement de l'oisiveté, du découragement, de la domination et de la parole facile et l'acquisition de la pureté, de l'humilité, de la patience et de la charité. Alors, l'âme réveillée, vivifiée, est invitée à collaborer à la construction du royaume de Dieu, non plus le royaume intérieur mais le royaume extérieur parmi les hommes, à participer à l'œuvre ecclésiastique, fraternelle, sociale. Le Maître de la vie devient le Roi eschatologique qui jugera le monde. Le centre de la troisième supplique est « de ne point juger mon frère. » Aucune communauté ne peut résister à la puissance destructive du « jugement des frères. » La base de la communionentre les membres de la même « ecclesia » est acquise par l'action de servir son frère sans le juger. Le Christ dans l'Evangile, saint Paul et saint Jacques dans leurs épîtres insistent sur le non jugement comme cimentant la libre concorde. Le non jugement des frères, si précieux et si difficile pour la majorité, s'obtient parla vision de ses propres fautes, par la lucidité de ses défauts et de ses limites, sans tricherie ni excuses. Terminons l'admirable prière de saint Ephrem le Syrienpar une sentence de saint Isaac le Syrien ( Ve siècle) :"Quand l'homme reconnaît-il que son cœur a atteint la pureté ?" Lorsqu'il considère tous les hommes comme bons, sans qu'aucun lui apparaisse impur et souillé ; alors, en vérité, il est pur de cœur."

Nous conseillonsde lire attentivement Mt 7, 1-5, Lc 6, 37-38, Rm 14, 1-13, Co 4, 1-13, Jc 4, 11-12

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"Venez à Moi, vous tous qui peinez et ployez sous le fardeau, et Moi je vous soulagerai" (Mt 11, 28) *** "La foi c'est l'intelligence éclairée par l'amour." Simone Weil
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